19/09/2007
 

Comédiens



FRANCOIS- JOSEPH TALMA

1763-1826

Dr Jean GAUTIER

François-Joseph Talma naît à Paris le 15 janvier 1763. Son père est valet de chambre.
Après quelques années à Poix-du-Nord (Nord) chez une tante, il revient à Paris chez un oncle, car son père, devenu dentiste, s'installe à Londres. Il fait ses études au lycée Louis-le-Grand, puis au collège Doyen et retrouve son père à Londres. Il découvre Shakespeare et le jeu plus "libre" des acteurs anglais.
Il revient à Paris et s'installe dentiste rue Mauconseil, tout en pensant théâtre…
En 1786, il laisse les dents… et s'inscrit à l'Ecole royale dramatique.
Dès 1787, il est essayé à la Comédie française et est accepté. Commence alors sa brillante carrière dans un contexte politique mouvementé : Louis XVI, la Révolution, le Directoire, l'Empire et Louis XVIII… Il devient, en 1789, sociétaire.
Il va se donner tout entier au théâtre et en modifier l'esprit.
Dans le petit rôle de Proculus, il s'habille en romain : toge, cothurnes et bras et jambes nus !
Le public est enthousiaste, les artistes beaucoup moins. Talma va oser continuer, et aidé de David, il recherchera la vérité du costume de ses personnages à leur époque.
Il s'inspire aussi de son expérience anglaise et essaie une autre vérité : la diction. Il abandonne le "récité" pour être, non plus un lecteur d'alexandrins, mais un homme qui parle. Il s'inspire d'ailleurs des personnages rencontrés dans la vie courante.
Il  est aidé dans ses rôles, en particulier d'empereurs romains, par un autre empereur : Napoléon. Il accompagne aussi sa diction de gestes souvent vus dans la rue ou précisés par Napoléon. Ce sont là les deux grandes réformes de Talma.
Mais revenons à sa vie !
La Révolution arrive. Ses idées pourtant républicaines, vont lui amener quelques difficultés, d'autant qu'il ne s'entend pas trop avec Robespierre !
Il se marie en 1791 avec Julie Careau, danseuse entretenue, mais riche ! Elle acquiert un hôtel particulier, "l'hôtel de la Victoire" rue Chantereine à Paris et là, ils vont recevoir soit des révolutionnaires, soit des acteurs.
Un jour paraît un jeune militaire : Bonaparte. Il est peu fortuné et Talma l'aide ! Ils resteront très liés. D'ailleurs, c'est Joséphine de Beauharnais et Bonaparte qui rachètent cet hôtel de Chantereine où va se préparer le coup d'état du 18 brumaire !
Talma divorce et épouse en 1802 Charlotte Vanhove, comédienne elle aussi, comme son père. Cela ne l'empêchera pas d'avoir une aventure avec Pauline Borghèse et de vivre avec Jacqueline Bazire ! Cette dernière vivra en ménage à… trois, surtout à Brunoy.
Trois enfants sont nés de Julie Careau, mais ils mourront jeunes. Trois enfants également avec Madeleine Bazire, deux garçons qui survivront et une petite Virginie qui disparaîtra à l'âge de 3 ans. Les enfants sont en grande partie élevés… par Charlotte Vanhove. Talma connaîtra diverses demeures, en particulier rue de Seine, puis rue de Rivoli, enfin 9 rue de la Tour des Dames où il finira ses jours. Mais dès 1798, il est propriétaire à Brunoy et nous y reviendrons.
La Révolution fut une période instable pour les acteurs. Il y a division des comédiens ; puis en 1799, le Théâtre Français (à la salle Richelieu) ouvre à nouveau ses portes. Talma fait partie des artistes et il le restera jusqu'à sa mort.
Son talent augmente régulièrement… La gloire est là. Il a un seul rival : Pierre Lafon (brunoyen lui aussi). Celui-ci est meilleur dans le rôle du Cid ! Mais Talma le surpasse et crée de nouveaux personnages (13 entre 1799 et 1803). Il est souvent invité à Malmaison.
En 1804, l'Empire est proclamé. Napoléon commence ses multiples conquêtes. Il se fait suivre par les Comédiens français, Talma en particulier. La rencontre d'Erfurt en est l'exemple le plus important.
Talma est souffrant en 1809 et ne retrouve la scène qu'en 1810 (Polyeucte puis Manlius).
Napoléon a répudié Joséphine et épousé Marie-Louise. Talma suit l'Empereur dans ses déplacements et connaît de grands succès (Hollande, Belgique). Il fait de nombreuses tournées (pour emplir le portefeuille) et à chaque fois, c'est la catastrophe au Théâtre Français qui voit fondre ses recettes.
La Campagne de France mettra fin à l'Empire. Et le bonapartiste Talma se voit obligé d'accueillir Louis XVIII !
1815 : après les Cent Jours, Talma continue son "métier" et multiplie les tournées.
En 1819, il est à Clermont-Ferrand en qualité de haut-dignitaire de la loge "Belle et Bonne".
1821 : le grand ami de Talma, Napoléon, s'éteint. Talma porte le deuil, et, dans une pièce de Jouy, Sylla, il prend le visage de l'Empereur.
Talma a ainsi incarné de nombreux personnages de tragédie, et sans doute, le plus célèbre a été Néron dans Britannicus. Il jouera deux nouveautés : l'Ecole des Vieillards et Charles VI.
Mais il est malade. Malgré une cure à Enghien et du repos à Brunoy, il meurt le 19 octobre 1826 d'un cancer intestinal, en refusant de recevoir Monseigneur de Quelen, archevêque de Paris. Peu avant sa mort, il dira : "Voltaire ! Comme Voltaire !" Il repose toujours au cimetière du Père Lachaise.
Mais pour nous, Brunoyens, Talma est aussi l'un de nos concitoyens ! Comment a-t-il connu notre ville ? Sans doute par les comédiens qui venaient à Brunoy pour distraire le Comte de Provence. En tout cas, Charlotte Vanhove connaissait Brunoy.
25 avril 1798 : achat de la maison de la nouvelle Machine des eaux de Brunoy. C'est petit, il reste peu.
En 1799, il achète de l'autre côté de l'Yerres, sur la rive droite, l'ancienne "Voulte" ou maison forte qui gardait l'entrée du château.
En 1803, il acquiert la maison que nous avons connue, "Le Gouvernement", ancienne résidence de Jules Cromot du Bourg, gouverneur des propriétés du Comte de Provence. Charlotte Vanhove a participé au financement !
Talma va venir dans sa résidence secondaire jusqu'à sa mort.
Il la transforme (avec l'aide financière de Napoléon) et s'occupe lui-même des travaux. Il fait aussi construire une fontaine avec son buste.
Il agrandit son parc, qui va jusqu'à l'Yerres, et le fait entretenir par son jardinier, le Père Louette, qui nous a livré des mémoires fort émouvants (et drôles) sur Talma… dans son rôle de jardinier !
En 1822, Talma est nommé Conseiller municipal ! On voit peu souvent sa signature dans les registres… sauf quand il a besoin d'un accord du Conseil !
Une maison qui abrite ses amis est appelée "maison des Nourrices". Elle existe toujours au 7 rue des Bosserons et son propriétaire, Pierre Gavarry est lui-même homme de théâtre et son épouse, femme de lettres.
Il reçoit beaucoup et certains poètes comme Ducis sont des fidèles des bords de l'Yerres. Même Lamartine vient à Brunoy lire à Talma une tragédie, Saül. Les Cherubini sont, eux aussi, des amoureux de Brunoy.
Il est très aimé à Brunoy et participe à la vie des familles qu'il connaît. Il crée même des "jardins d'asile" pour aider les plus pauvres.
Si Talma reste présent (lycée, rue, petite salle au Musée), sa maison n'est plus. Malgré les efforts de la Société d'Art et d'Histoire du Val d'Yerres (devenue depuis la SAHAVY) qui est née en 1968, le monde de l'argent a gagné contre le monde de l'esprit !

Ce texte est inspiré du livre :
- Talma, Esquisse biographique – 1976 – Dr Jean Gautier.

Des biographies récentes sont très complètes :
- François-Joseph Talma – Primo Divo 1999 – Mara Fazio (en italien ) – Editions Leonardo Arte.
- Talma, l'acteur favori de Napoléon Ier – 2001 – Bruno Villien - Editions Pygmalion – Gérard Watelet.



CAROLINE  VANHOVE
1770-1860

Caroline Vanhove, dans l’Histoire du Théâtre du premier l’Empire, ne prend pas beaucoup de place. Ce fut pourtant la deuxième femme de Talma et sa fidèle compagne durant treize ans.
Elle est née dans une famille de comédiens où le père était un tragédien reconnu et la mère  comédienne. Ceci explique sans doute son goût pour la scène et ses qualités d’actrice. Pensez qu’à quinze ans  en 1785, elle est reçue à la Comédie Française. Elle épouse un violoniste. La Révolution arrive ; elle est incarcérée  avec toute la troupe de la Comédie Française (ou presque !)à la prison des Magdelonnettes en septembre 1793. Elle y reste 5 mois et recouvre la liberté. Elle divorce d’avec son musicien et reprend ses activités.
Elle fait la connaissance de Talma, la coqueluche des amateurs de tragédie, qui à ce moment-là est l’époux de la danseuse Julie Carreau. Il mène grand train avec les revenus de son épouse qui assume ses dépenses somptueuses. Caroline n’est pas indifférente au charme du ténébreux tragédien.
Les deux acteurs commencent une vie commune. Talma a quitté Julie ; elle-ci lasse, humiliée et à demi ruinée abandonne et accepte le divorce. Talma et Caroline se marient.
En 1798, Caroline Vanhove et son père ont acheté à Brunoy l’ancienne maison qui abritait la pompe d’ alimentation en eau des jardins de Monmartel. Le couple vient y passer l’été 1799. Talma a co-signé l’acte de vente. En 1800 Caroline, de ses deniers, achète la Malgouverne, pour y installer son père en retraite. Puis selon les désirs de Talma elle participe à l’achat de la Gouvernerie qu’a mise  en vente le propriétaire Ribbing Frédérickson. A partir de ce moment, Talma se met à faire des transformations très coûteuses dans les bâtiments et le parc .Il dépense follement au-dessus de ses moyens et se couvre de dettes : Caroline assume. Puis le caractère de Talma change. Toujours dépensier, il « devient un homme à bonnes fortunes ». Caroline reprend les rênes de la gestion du ménage et apprenant les frasques publiques de son mari demande le divorce. Elle devra attendre 1815 pour se retrouver libre.
A partir de ce moment, Caroline se place en marge de la vie tumultueuse de la vie des d’artistes Elle récupère une partie des sommes qu ‘elle a avancées à Talma et se ménage une vie calme «  dans un petit hôtel entouré de jardins ». Elle s ‘adonne à la peinture, au dessin mais surtout elle écrit quelques livres pour la jeunesse et sur l’art du théâtre.(1821-1836).
Avant son divorce, Talma avait eu le front d’installer sa nouvelle compagne dans sa maison de Brunoy. Il en avait eu trois enfants. A sa mort, la nouvelle élue Madeleine Bazile n’avait aucun revenu. Caroline eut à cœur d’assumer la charge de la pension de Fontenay sous bois où étaient les enfants.
Caroline était restée «  madame Talma » jusqu’à la mort de son mari. Délivrée, elle crée un petit cercle d’amis et bientôt épouse le comte de Chalot, colonel de cavalerie. Devenue comtesse , elle finit paisiblement sa vie jusqu’en 1860, à l’âge de 90 ans.



ARLETTE  DORGERES

Le château de Vigneux sur Seine, avenue Pierre Marin, face à l’ancienne mairie de la ville, appartenait dans les années de 1904 à 1930 à Mademoiselle Arlette Dorgères
C’était un château de ce style Louis XIII rénové qui fit florès dans la deuxième moitié du XIXe siècle. dans nos banlieues. Il était situé sur  une grande propriété boisée avec un étang, et qui allait jusqu’à la voie de chemin de fer reliant les gares de Draveil-Vigneux à Juvisy. Sur l’Avenue Pierre Marin, s’ouvrait un grand portail de fer peint de gris portant en ferronnerie les initiales A. D. de la propriétaire.
Arlette Dorgères était une danseuse, une célèbre meneuse de revues au théâtre-music-hall de la Scala, 13 Bd de Strasbourg à Paris. Sur Internet, on propose à la vente une affiche de la Scala par Jules Chéret datée de 1904 (valeur  35$).
Elle ne faisait pas de longs séjours à Vigneux, sans doute absorbée par son métier exigeant et par une vie inévitablement mondaine dans ce domaine du spectacle. Elle  occupait sur son domaine de Vigneux un couple de jardiniers qui entretenaient les jardins et une employée qui s’occupait de l’intérieur du château. Elle habitait Paris et ne venait que de temps en temps à Vigneux.
Au contraire de certaines de ses consoeurs qui n’échappaient pas à une vie un peu mouvementée, elle eut une vieillesse rangée et paisible. Elle cessa de venir à son château’, mais en assura régulièrement l’entretien  Un bruit a couru qu’elle avait vendu le sable qui de trouvait sous son parc à des exploitants de sablières Ces compagnies qui florissaient à cette époque, avaient l’,obligation après leur exploitation de remettre la terre végétale au-dessus de leurs fouilles.
En 1929 elle vendit son château et partit se retirer au Maroc.
Signalons que ce château  a été construit su l’ emplacement d’un autre château qui a été démoli, et qui appartenait à M. Jacques Navoit. C’était  le grand père de Julia, laquelle épousa Alphonse  Daudet. Durant l’été 1867, le jeune couple des Daudet vint en villégiature chez le grand père Navoit . Mais l’année suivante le château ayant été vendu, ils ont commencé leurs séjours à Champrosay.



PIERRE  LAFON
1773-1846

A Brunoy, dans le bas de  notre rue Pasteur, à gauche en descendant, se trouve une maison blanche qui a récemment été rénovée avec un certain bonheur. On peut y pénétrer par une aimable courette pavée. C’est la maison qu’habita l’acteur Pierre Lafon de septembre 1809 jusqu’à juin  1818.
Sur un portrait de  Bellier, accroché à la Comédie Française, on peut découvrir Lafon comme un homme d’aspect aimable  habillé d’une façon romantique, le col de la chemise relevé , les pointes de chaque côté du menton et le cou entouré d’une cravate sans nœud ; Dans ses yeux, ce n’est pas de l’arrogance, mais une confiance en soi . Les lèvres un peu pincées mais  avec un gramme de sourire, et des favoris presque noirs, comme  sa chevelure ébouriffée, elle aussi, bien romantique, à la Chateaubriand.
Il est né en 1773 dans la petite ville de La Lude en Périgord, fils d’un maître chirurgien, et fit ses études à Bergerac, puis à Bordeaux .Il continue en cette ville à l’école de médecine pour faire plaisir à son père.
Mais il a de réelles dispositions à retenir et déclamer des vers, un tel plaisir à être sur scène qu’il abandonne l’école de Bordeaux, s’engage dans une troupe théâtrale de Marseille puis monte  vers la Capitale où il fait la connaissance de Dugazon, puis de Lucien Bonaparte. Les portes du Théâtre Français lui sont bientôt ouvertes et il est sociétaire en 1800.
C’est un séducteur. Son allure romantique, son accent méridional maîtrisé lui donnent un charme qui fait fondre des personnes comme Pauline Bonaparte, ou  l’actrice Mlle Georges. Il y eut un certain scandale et Napoléon envoya sa sœur Pauline en exil avec son mari, loin, dans les Iles.
Donc, célébrité ! Mais le sommet suprême ? Talma tenait les grands sujets et les tenait bien ; Si Lafon fut parfait, en 1800 dans le rôle d’Achille, jamais il ne put surpasser Talma dans les tragédies de légende où il avait su se créer un nom susciter une passion, et inaugurer  une tradition.
« La vérité est que ce furent les ennemis de Talma qui lui opposèrent Lafon, mais qu’en réalité, ces deux artistes de tempérament tout différent n’eurent jamais à se craindre »(*)En fait, après avoir espéré pouvoir surpasser Talma, ou tout au moins se hausser à son niveau de création et de gloire, Lafon admit qu’il aurait bénéfice à ne revendiquer que la seconde place. Il s’ingénia à montrer envers Talma un certain respect. Il se mit à sa disposition pour jouer « tout ce qu’il voudra »(*)
A la mort de Talma en 1826, ce fut lui qui prononça le discours d’adieu
« TALMA ! Ce nom , messieurs ce nom consacré pour jamais à l’admiration des amis des arts, devrait terminer l’éloge de notre immortel camarade (*)
Après avoir brigué la première place, Lafon reçoit souvent des refus polis (mais des refus !)Le dictionnaire des comédiens dit en ce cens « …Lafon nous semble avoir toujours «été un turbulent, un ambitieux, qui non content de ses dons naturels, aspirait à jouer tous les rôles »(*).   C’est peut – être bien sévère. Après tout, Talma aussi avait de l’ambition, fut un séducteur. Mais il lui fut plus pardonné qu ‘à son collègue Lafon car il travaillait un degré au-dessus !
Lafon mourut en 1846.
 
Pour en savoir plus se reporter à Jean GAUTIER « PIERRE LAFON » La Monmartel N° 23 P 80
(*) Jean Gautier .opus cité.



PIERRE GAVARY

Pierre Gavarry est le fondateur du THEATRE  DE  BRIE. Il habite aux Bosserons la « Maison des Nourrices », maison prédestinée puisqu’elle était autrefois possédée par le tragédien Talma.
Ancien metteur en scène à la télévision, il eut dans ses débuts les conseils de Tania Balachova.
Il reçut à cette époque le premier prix d’interprétation  au festival de Parme. Il entre à la Télévision Scolaire et travaille avec Eric Romer. Ouvert à tous les arts, il privilégie tout de même le théâtre. Il n’est que de le voir interpréter Arnolphe de l’Ecole  des femmes pour apprécier le jeu de Pierre Gavarry.
Il n’hésite pas à aborder des rôles écrasants comme celui du roi dans « Le roi se meurt » d’Ionesco, prouvant qu’il peut très bien diversifier son talent de façon brillante.
La liste des pièces de théâtre qu’ il a montées à Brunoy montre l’éventail très ouvert des possibilités du « Théâtre de Brie ». : Oncle Vania – Zoo stories – Sarah ou le cri de la langouste – Mais ne te promènes donc pas toute nue – Feue la mère de Madame – et jusqu’à l’Histoire du Soldat.
A chaque spectacle, menée par Pierre Gavarry, la troupe nous prouve qu’elle atteint un niveau plus qu’honorable, et  Pierre Gavarry qu’il est toujours plus audacieux et plus exigeant.