09/12/2004
Militaires
GENERAL DON JOSE DE SAN MARTIN1778 - 1850
Général héros de l’indépendance sud américaine
EVRY - BRUNOY
Pourquoi s’arrêter à ce général San Martin ? En quoi est-il concerné par l’histoire de Brunoy ?
Outre sa personnalité très forte et son renom international, San Martin est un brunoyen d’Honneur pour trois raisons essentielles :
- Il a été enseveli dans le caveau de famille « Balcarce » au cimetière de Brunoy de 1861 à 1880.Il y est resté dix-huit ans.
- Sa petite fille, Mme Gutierrez de Estrada a créé une fondation caritative en 1904 sur le plateau des Bosserons qui fonctionne encore.
- C’est un libérateur de peuples opprimés universellement connu et respecté.
Son histoire vaut bien d’être racontée. D’origine espagnole, il est né en 1778 en Argentine où son père était gouverneur . La famille rentre en Espagne alors que l’enfant n’a que six ans. Destiné à la carrière militaire, il fait ses études dans diverses écoles militaires et entre dans une phase active. Durant son apprentissage de la vie militaire il visite plusieurs contrée. Arrive la guerre entre l’Espagne et la France, sous Napoléon Ier. Don José combat énergiquement les Français. Il est officier ; ses actions durant la bataille de Baylen lui valent le grade de Lieutenant Colonel ainsi que la médaille d’or. C’est là qu’il lutte contre le général Dupont de l’Etang, dont le frère, le général ambassadeur Dupont Chaumont habite Brunoy. En 1812 il quitte l’armée espagnole avec le grade de colonel. C’est qu’il réalise que son pays natal est sous la botte des occupants espagnols et qu’il faut le libérer : une entreprise hasardeuse et folle . Il traverse l’océan et débarque à Buenos Aires. Il crée un régiment de grenadiers à cheval ; il combat les troupes royales avec succès et c’est la victoire de San Lorenzo .Le Vice-Roi s’enfuit, l’ Argentine est libérée.
Il n’est pas satisfait. Il organise « l’Armée des Andes » et il a l’audace de lui faire traverser la Cordillère. Il se trouve au Chili ; il fond sur les forces royales qui ne l’attendaient pas et c’est la victoire de Maipù. Santiago est libérée puis une autre victoire encore, à Chacabuco, et les royalistes ont écrasés. Deuxième pays libéré .
Le Pérou est resté sous la domination espagnole. San Martin atteint ce pays par mer et en 1820 Lima est libre. Mais le Pérou est trop vaste pour les faibles troupes de San Martin qui se sont amenuisées depuis le départ. Il ne peut plus faire campagne tout seul dans les immenses plateaux qui forment maintenant la Bolivie. Il part à Guayaquil retrouver Bolivar, libérateur des provinces du nord ; il lui propose de joindre leurs forces respectives pour chasser définitivement les troupes espagnoles.
La réponse est un non catégorique ; Bolivar ne veut pas d’alliance , il désire terminer la guerre tout seul sans partager la gloire et San Martin lui laisse ses troupes afin qu’il puisse être le dernier vainqueur des Espagnols qu’il aurait aimé être. C’est un sacrifice à nul autre pareil et cela montre bien l’effacement naturel du héros de San Lorenzo ou de Maipù. Cette longue campagne a été exemplaire. Il a libéré presque trois pays ; il possédait vla force militaire ; à aucun moment il n’en a profité pour imposer une forme quelconque de gouvernement ou de religion ; il a laissé aux peuples la liberté de choisir leur destinée. Son courage ne lui a jamais fait défaut et ses actions militaires ont témoigné d’une intelligence à la fois de la tactique et de la stratégie.
Le vent a tourné durant l’absence de San Martin. Les Argentins se méfient de lui, ce militaire prestigieux. Ils craignent un coup d’état et l’assaillent de critiques, ils ont peur d’ une dictature. Il se sent repoussé. Il n’a plus rien ; ni troupes ni argent. De plus il vient de perdre son épouse, malade. Alors, il part en exil volontaire en Europe en compagnie de sa petite fille Mercédès.
Commence alors la deuxième période de sa vie. La France a refusé de lui accorder le séjour ; il va en Angleterre, puis se fixe en Belgique. Il voyage un peu et fait des cures thermales . En 1830, la révolution gronde à Bruxelles. La Belgique veut se libérer de la tutelle hollandaise. Les Belges offrent à San Martin de prendre le commandement des troupes de libération. Don josé refuse ; il invoque le devoir de réserve ; il est un exilé dans un pays qui l’a accueilli ! Il reçoit l’autorisation de vivre en France. Il s’installe à Paris Le choléra les atteint lui et sa fille. Ils en réchappent. Il marie sa fille à un diplomate argentin et le jeune couple part pour l’Argentine.![]()
Il est bien seul ; malade chronique après son atteinte du choléra ; il achète la maison de Grand-Bourg à Evry où il se ménage une vie calme. Il fait quelques voyages puis sa fille et son gendre reviennent. Ils sont trois maintenant et bientôt quatre car deux petites filles sont nées, la joie est entrée dans la maison et les jardins de Grand bourg retentissent des cris des deux enfants. Désormais Mercédès ne quittera plus le vieux lutteur et le soignera . De nombreuses visites d’amis argentins ponctuent une vie retirée. En 1848, la révolution gronde à Paris et San Martin qui sait l’horreur d’une guerre civile, veut protéger sa petite famille. On part pour l’Angleterre mais on s’ arrête à Boulogne où tout est calme.
La famille s’installe, mais pour peu de temps puisqu’en 1850 le vieux baroudeur s’éteint doucement dans les bras de sa fille.
Il restera longtemps dans la crypte de la cathédrale de Boulogne avant d’être transporté au cimetière de Brunoy en 1861. Là il séjournera dix-huit ans et en 1880 il sera transféré dans un tombeau de marbre dans la cathédrale de Buenos Aires par le gouvernement argentin de l’époque. Don José de San Martin a retrouvé, un peu tard ! - la ferveur nationale et la reconnaissance du peuple argentin.
SAN MARTIN, "EL LIBERTADOR", PORTRAIT MORAL ET PSYCHOLOGIQUE
Jacques Gauchet - LE MONMARTEL 1995
Pour les admirateurs de San Martin, un livre paru récemment constitue une sorte de clé pour comprendre la psychologie, les mobiles, les pulsions du Libertador, en plus de ce qu'a été sa vie d'exilé en Europe.
Il s'agit du travail du Dr Carlos Alberto Guzman: "San Martin" édité par le "Cercle Militaire (Bibliotéca del Oficial)" - 1993 Buenos Aires.
Dans ce livre de langue espagnole, l'auteur (Président de la Société Sanmartinienne de La Plata (R.A.) nous conte par le menu, année après année, la période dite d'Ostracisme Volontaire du héros de la République Argentine. Pour être dans la vérité de l'histoire (l'histoire sans la vérité n'est que du roman ou de la politique !) l'auteur nous a choisi un grand nombre de lettres écrites par San Martin ou écrites à San Martin. A partir de ces lettres, on peut comprendre, pour les grands moments de la vie du général, les raisons qui le font agir, décider telle ou telle voie, refuser ceci, accepter cela, ou encore faire telle ou telle proposition.
Un certain nombre de ces lettres ont été déjà publiées. Dans son "Prologo" où il compare le héros des Andes à Washington ou à Cincinati lorsqu'il abandonne volontairement le pouvoir, le Dr Juan José Cresto, Président de l'Académie Argentine d'Histoire, nous dit combien il approuve les sources de l'auteur qui travaille notamment sur des lettres inédites et puise aussi dans sa documentation personnelle.
L'auteur lui-même nous exprime dans son introduction, son enthousiasme pour écrire cette histoire et son désir d'être strictement objectif. Il a fait un travail opiniâtre de sélection dans les innombrables livres qui publient la correspondance du héros; les lettres-clé ressortent, significatives d'un esprit, d'une foi, d'une volonté.
Une possibilité nous est ainsi offerte, à travers ce choix de lettres, de chercher qui était San Martin; une sorte d'étude morale et psychologique qui amènera peut-être le lecteur à connaître, apprécier, peut-être aimer "El Libertador".
"Une autre forme d'approche, en substituant à l'analyse des situations, l'exploration de sa conscience. Pour cela, il faut se placer au coeur du personnage dans l'espoir de découvrir le motif central et permanent qui a déterminé sa vie." Benoist Mechin (Laurence d'Arabie)Pour commencer, nous allons faire parler San Martin sur son passé, en lisant la lettre qu'il écrivait à Mariscal don Ramon Castilla, Président constitutionnel du Pérou, le 11 septembre 1848.
"J'ai servi dans l'armée espagnole, dans la péninsule, de l'âge de 13 ans à 34 ans. Jusqu'au grade de colonel de cavalerie. Une réunion d'Américains, à Cadix, m'apprit les premiers mouvements survenus à Caracas, Buenos Aires etc... Nous résolûmes de retourner chacun dans le pays de notre naissance, afin de prêter nos services à la lutte.
J'arrivai à Buenos Aires au début de 1812 et fus reçu par la junte qui gouvernait à cette époque, par un de ses membres avec faveur et par les deux autres restant avec une méfiance très marquée. D'autre part, à cause de mes trop peu nombreuses relations familiales dans mon propre pays, et sans autre appui que mon grand désir d'être utile, je supportai ce contretemps avec constance, jusqu'à ce que les circonstances me mettent dans la situation de dissiper toute prévention et de pouvoir suivre sans entrave, les vicissitudes de la guerre pour l'indépendance ." (G.P.172)
Il dit ensuite que:
"pendant dix ans de commandements divers qui suivirent son engagement dans la lutte, il resta fidèle à deux principes fondamentaux, à savoir :
1) Ne pas me mêler aux partis qui, alternativement dominaient à cette époque à Buenos Aires; ce qui contribua à mon absence de la capitale durant l'espace de neuf ans;
2) Considérer tous les états américains dans lesquels pénétraient les forces sous mon commandement comme des états frères concernés par la même cause sacrée.
Conséquences de ce principe des plus justes, mon premier pas aura été de déclarer leur indépendance et de créer une force militaire propre pour leur sécurité. Voilà, mon cher général, une courte analyse de ma vie publique suivie en Amérique." (G.172)
Laissons San Martin libérer l'Amérique du Sud et retrouvons-le après l'entrevue de Guayaquil. (Lettre à O'Higgins. Bruxelles 1824):
"J'étais confiné dans ma maison de Mendoza, et, sans aucune relation que celle de quelques voisins, rien pour apaiser la méfiance de l'administration de Buenos Aires : Elle m'entourait d'espions, ma correspondance était ouverte sans vergogne " .....(G.15)
C'est dans ces conditions qu'il décida de partir en exil.
Une des qualités de San Martin qui séduisait le plus ses amis, c'était sa grande simplicité. Voyez comment il savait mettre à l'aise son ami Miller malade qui ne pouvait pas retourner à Buenos Aires par prudence politique : "Venez passer le temps qu'il faudra dans mon petit cottage; vous y serez reçu et traité avec une franche amitié, une complète indépendance, une grillade, une bouteille de vin. Si vous venez ici, en une heure vous êtes à Paris et vice-versa." (G.120)
Il n'avait guère le goût des préséances : En 1843, on lui avait présenté une jeune poète, Bustamente, originaire de La Paz, qui suivait des cours à la Sorbonne. Le général, très simplement, était allé voir le jeune homme à son logement d'étudiant deux fois dans la même journée au grand étonnement de celui-ci. (G.131)
Un portrait de notre héros, écrit par Alberdi, insiste sur la simplicité de vie qu'il manifeste :
"Il entra enfin, son chapeau à la main avec la modestie (...) d'un homme ordinaire. Quelle différence avec le type d'homme que je m'étais figuré, suivant les descriptions hyperboliques de ses admirateurs américains (...) sa marche, nullement solennelle, était dénuée de toute affectation (...) Il parlait sans la moindre préciosité, avec toute la simplicité d'un homme ordinaire . (...) Malgré son long séjour en Espagne, son accent est le même que celui de nos hommes d'Amérique (...) Vous le voyez rarement parler de politique ou, dans la conversation avec des personnes non concernées, évoquer ses campagnes de l'Amérique du Sud, son exil, ce qui est pourtant l'habitude des militaires . (1843 - G.136)
Sa modestie fut fréquemment évoquée par ses amis. Gabriel Lafond de Lurcy parle de Grand Bourg comme "la demeure du plus modeste des grands hommes". (G.163).
En 1827, sollicitant un passeport du Consul Général de la république des provinces unies de l'Amérique du Sud, il précise :
"Que le passeport que je sollicite me soit délivré sans spécifier mon emploi, mais seulement comme celui d'un simple citoyen."(G.49)
Relevés par Benjamin Vicuna Mackéna, les propos du Général Muller sur le caractère de San Martin sont très probants :
"Il vivait comme un simple subalterne, sans "étaler" jamais le luxe d'un coureur d'honneurs, d'autant plus qu'il habitait dans les faubourgs de la ville." (G.44)
Malgré l'entrevue de Guayalquil avec Simon Bolivar, où San Martin sut se montrer le plus loyal et le plus clairvoyant, le plus modeste des deux protagonistes, il disait, lorsqu'on lui parlait de ses succès durant la campagne pour l'indépendance :
"L'émulation (ou la concurrence), ne peuvent entrer en ligne de compte, car les succès que j'ai obtenus à la guerre pour l'indépendance, sont peu importants, en comparaison de ceux que le général en question a apportés à la cause de l'Amérique." (G.42)
Dans son exil à Grand Bourg, il fut extrêmement visité par ses amis et il entretint avec ceux qui étaient restés en Argentine une correspondance extrêmement aabondante. Il avait le culte de l'amitié.
"L'histoire des relations de San Martin avec Aguado symbolise deux choses qui sont la représentation la plus noble de l'âme humaine : l'amitié et le libéralisme. Ce sont dans le fond la même chose. La plus caractéristique prérogative de l'âme libérale est en effet son aptitude (...) aux sentiments et à l'exercice de l'amitié." Grégorio Maranon (G.89)
Ses amis, malgré des différences de vue prononcées sur la politique lui restent invariablement fidèles. Guido raconte ses conflits avec Simon Bolivar, et en explique les motifs:
"Mon unique crime avait été une franche déclaration au Général Bolivar, que jamais je ne m'abandonnerais à suivre vos ennemis, parce que la décence et la gratitude me le défendent et parce que mes opinions politiques, dont certaines sont assez éloignées des vôtres, resteront indépendantes de mon amitié..." (G. ).
Et pourtant, un homme aussi effacé et modeste était capable de prendre des décisions extrêmement importantes qui engageaient le plus souvent sa vie entière :
- Le choix de partir, en 1812, pour l'Amérique du Sud et d'offrir son bras à la libération de l'Argentine;
- Le choix de traverser les Andes avec son armée pour aller libérer le Chili, puis le Pérou (1817);
- Le choix à Guayaquil de s'effacer devant les exigences de Simon Bolivar, son légitime orgueil dut-il en souffrir, afin sd'évoiter la guerre civile :
"La résidence du Général San Martin à Grand Bourg est un acte solennel de l'histoire de l'Amérique du Sud, la continuation d'un sacrifice qui débuta en 1822 et se perpétua, (....) comme ces voeux par lesquels les chevaliers ou les ascètes des autres temps liaient leur existence, accomplissaient de pénibles devoirs..." (Sarmiento - 1847 - G.165).
Le même Sarmiento disait aussi :
"C'est l'ultime manifestation des vertus antiques qui exaltèrent les principes de la Révolution de l'Indépendance sud-américaine. (G.166)
Quelque temps après Guayaquil, c'est le choix de partir pour un exil volontaire en Europe, puisque les états de la République Argentine étaient en effervescence, et le gouvernement, hostile à son libérateur que l'on soupçonnait de vouloir utiliser son renom et ses armées pour instaurer un pouvoir dictatorial en Amérique du Sud. (1823)
Un autre aspect de la rigueur du général : il refusa toujours tout honneur excessif et toute prébande, sauf sa solde d'officier. C'est pourquoi dans son exil, il fut souvent très gêné et dut se construire une vie modeste.
Un académicien, A.B. Menendez, insistait sur la dualité du caractère de San Martin :
- Sévère et distant de toute manifestation publique;
- D'un commerce naturel et d'une séduction sympathique avec ses amis.
Ce qu'on peut saluer chez San Martin, en 1812, c'est qu'ayant reçu une éducation entièrement espagnole, tant à l'école de Malaga qu'au séminaire des Nobles de Madrid, ayant de plus, après une carrière rapide, acquis par osmose l'esprit des officiers de l'armée de Murcie, il ait pu se sentir pénétré
d'un amour irrésistible pour son pays natal, l'Argentine qu'il avait quittée à l'âge de six ans.
Combattant contre la France de Napoléon 1er dans les rangs espagnols, il aurait pu être complètement dominé par un patriotisme aigü pour le pays de ses parents, celui dont il parle la langue, celui à qui il doit sa situation d'officier, et pour qui il a risqué sa vie...
Mais non ! Il n'a pas oublié Yapeyu ni la province de Corientes qui l'a vu naître; il n'a pas oublié qu'il est un "Créole argentin". Ce n'est pas une pulsion de jeunesse, ce départ pour Buenos Aires ou une fuite en avant vers l'aventure. Il a 34 ans quand il saute le pas; sa décision certes a dû être un vrai cas de conscience; c'est difficile pour un officier espagnol d'aller combattre outre-atlantique l'armée qui l'a formé en son sein, afin de libérer la terre où il est né mais où il n'a que peu d'attaches parentales !
Mais il l'a fait !San Martin et la politique
Nous avons vu que San Martin avait absolument refusé de s'inféoder à l'un quelconque des partis qui tour à tour gouvernaient à Buenos Aires (Voir plus haut la lettre à Mariscal (G.172), à son arrivée sur le sol argentin. Mais il avait bien sûr ses idées propres. Lui qui était d'origine noble, il aspirait à la démocratie.
"Pour défendre la liberté et les droits, il faut, il est nécessaire d'avoir des citoyens riches d'instruction, d'élévation, d'attention et par conséquent capables de sentir la valeur des biens que procure un gouvernement représentatif - et non des piliers de cabarets plus ou moins favorables à l'arbitraire (G.45)
Il répéta que par principe comme par inclination, il était partisan d'un gouvernement républicain; mais il insista pour déplorer que ce genre de gouvernement ne soit pas réalisable en Amérique. (G.45)
Pour lui,
"Il y a deux bases sur lesquelles sont établis les gouvernements :
1) l'observance des lois
2) la force armée.
Les représentants s'appuient sur la première, les absolutistes sur la seconde : les garanties manquent en Amérique." (G.71)
Il fustige les gouvernants américains dans une lettre à son ami Miller de mars 1841 :
"Malheureusement, les nouveaux états de l'Amérique décidément ne savent pas apprécier les hommes qui, comme vous, ont donné leur sang pour l'indépendance et la liberté. Ils se perdent en dissensions et seule (pour eux) l'obéissance à l'autorité constitue la loi (...) Pour les gouvernants de ce pays, il est indispensable d'être un homme de parti prenant une part active à toutes les intrigues à tous les manèges qui sont les conséquences d'une telle situation." (G.120)
Il eut toujours une profonde méfiance envers les charges publique ou politiques. Ecrivant au Général Antonio Gutierrez de la Fuente, nommé Président du Pérou (1830) il lui disait avec sa grande franchise :
"Je suis bien loin de vous féliciter, parce que l'expérience m'a enseigné que les charges publiques et toutes celles que vous pourrez obtenir ne vous causeront autre chose que des amertumes." (G.69)
Il disait la même chose au Président Général Don Fructuoso Rivéra nommé à la tête de l'Uruguay :
"Je suis bien loin de vous féliciter pour cette haute charge parce que l'expérience m'a enseigné que les charges publiques (...) ne produisent d'autres choses qu'amertume et dégoût." (G.76)
Toutefois, dans une lettre à Pinto (1846), il propose un axiome que l'on peut juger discutable:
"Le meilleur gouvernement n'est pas le plus libéral en ses principes, mais celui qui fait le bonheur de ceux qui obéissent (à ses lois), employant les moyens adéquats à ce but." (G.159).
Discutable ai-je dit car il faut se mettre à la place des citoyens qui doivent obéir; leur bonheur est-il dans l'obéissance aveugle ? San Martin sans doute sous-entend ici que les lois de ce meilleur gouvernement sont justes.
Et il sait de quoi il parle. Après ses tentatives de libération du Pérou, après qu'il eût à Guyalquil conféré avec S. Bolivar et compris qu'il devait gênant pour ce militaire ambitieux, qu'il risquait d'amener la guerre civile au Pérou entre ses partisans et ceux de S. Bolivar, il préféra se retirer à Mendoza, mais il fut alors en but aux attaques des politiciens argentins; voici comment il traduit l'atmosphère dans laquelle il vécut cette époque où il subissait la défiance du gouvernement qui existait alors à Buenos Aires. (Lettre à Mariscal Ramon Castillo :
"Les journaux gouvernementaux me firent une guerre soutenue, prétendant qu'un soldat fortuné se proposait de soumettre la république à un régime militaire et de substituer ce système à l'ordre légal et libre. D'autre part, l'opposition à ce gouvernement se servit de mon nom et sans mon consentement ni mon approbation, affirma dans ses périodiques que j'étais le seul homme capable d'organiser l'état et de rassembler les provinces qui se trouvaient en dissidence contre la capitale. En ces circonstances, il me sembla pour mon malheur que j'étais impliqué dans la révolution plus que je ne l'avais jamais souhaité, ce qui m'empêchait de suivre la voie que j'avais décidée, c'est-à-dire, entre les partis une ligne de conduite impartiale. Par conséquent, et pour dissiper toute accusation d'ambition (...) je m'embarquai pour l'Europe." (G.14)Philosophie de San Martin sur les pays libérés.
San Martin avait c'est sûr des principes très forts, très arrêtés sur la colonisation ou sur la conquête. Il avait vu les populations des Corientes manquer de liberté aux temps de son enfance, sous la domination espagnole à Yapeyu. On peut aussi parfaitement supposer, bien qu'il se soit trouvé à combattre l'armée française à Baylen, qu'il ait adopté les grands principes de la révolution française si récente : la liberté, la fraternité, les droits de l'homme.
Ce qu'il fit en Amérique du Sud, c'est au nom de ces grandes idées généreuses. Voyez son attitude devant la situation des Péruviens ! le semi-esclavage, la mita ! Aussitôt l'indépendance proclamée, et le vice roi chassé de Lima, San Martin abolit l'esclavage, crèe des imprimeries pour dévcelopper instrtuction et culture, et ramène l'ordre dans la capitale.Le Libertador avait horreur de la guerre civile.
Ainsi, (suivant Olazabal), s'écrie-t-il au reçu d'une lettre qui lui suggérait une intervention armée dans son pays :
"Mon sabre ! Non ! Jamais ne sera dégaîné pour la guerre civile !."(G.59)
A la même époque, décembre 1832, il écrit à Don Pédro Molina sa répugnance à répandre le sang :
"Vous m'aviez proposé de passer quelque temps à Mendoza en compagnie de nos vieux amis. Mais tous mes plans ont été transformés par la funeste guerre civile (...) Vous connaissez mes sentiments sur ce point et ma résolution inébranlable : Ne pas mettre mes mains dans le sang de mes compatriotes." (G.666)
Lorsqu'en 1829 il débarque en Amérique du Sud, il se trouve confronté à des troubles politiques :
"A mon arrivée à Buenos Aires, je me suis trouvé heurté à la guerre civile; et je vous le dis, j'ai préféré un nouvel exil, plutôt que de prendre part à ces dissensions - mais toujours avec l'espoir de mourir en son sein ! ." Lettre à Rosas 1838 (G.109)
Son ardent partriotisme n'est pas à prouver; Tout au long de sa vie, depuis 1812, il n'a agi que dans ce sens - sa décision de se mettre au service de son pays natal en est la première démarche. Toute son action durant les dix années de lutte pour la libération de l'Amérique du Sud nous incite à penser qu'il avait une vue globale sur toute cette contrée. Ne disait-il pas, dans une lettre de 1845 à son ami Guido :
"Vous savez que je n'appartiens à aucun parti. Sans équivoque, je suis du Parti Américain. Aussi je ne puis voir sans les sentiments les plus indignés, les insultes qui sont dirigées contre l'Amérique." (G.149)
Il souffre beaucoup de voir son pays d'Argentine en proie à des aventuriers ou des dictateurs et il n'a pas de mots assez durs pour les fustiger dans une lettre à Grégorio Gomez :
"C'est avec beaucoup de regrets que je vois l'état de notre pauvre patrie; le pire de tout est oque nous n'entrevoyons pas la moindre lueur d'un meilleur sort. Tu connais mes sentiments, par conséquent tu sais que je ne puis approuver la conduite du Général Rosas, quand je vois s'étaler la persécution générale contre les hommes les plus honorables du pays.
D'autre part, l'assassinat du docteur Maza me convainc que le gouvernement de Buenos Aires ne s'appuie que sur la violence. En dépit de cela, je n'approuverai jamais qu'aucun fils de notre pays s'unisse à une nation étrangère pour humilier notre patrie." (G.114)
Malgré son aversion pour la façon de gouverner du Général Rosas et ses méthodes répressives, il lui offre son soutien dès que le pays est en danger; il écrit au Général Rosas :
"J'ai appris par la presse le blocus que le gouvernement français a établi contre Buenos Aires. J'ignore les résultats de cette mesure. S'il y a la guerre, je sais ce ce mon devoir m'impose comme Américain. Dans ces circonstances, je ne voudrais pas qu'on puisse croire que je me suppose un homme indispensable; j'attends vos ordres; si vous me croyez d'aucune utilité, je me mettrai en route pour servir ma patrie dans la guerre contre la France, à quelque poste que vous me destiniez. La guerre terminée, je me retirerai dans ce pays, s'il m'offre la sécurité et l'ordre. Dans le cas contraire, je retournerai en Europe. (...) Voici, Général, l'objet de cette lettre." (G.309).
Il se proclame peut-être aussi souvent Américain qu'Argentin; c'est peut-être là la source de ces faux bruits qui ont couru comme quoi San Martin avait l'ambition de réunir les trois états qu'il avait libérés en une monarchie à son profit et que son voyage en Europe n'avait d'autre but; c'est pourquoi il n'offrit pas sa participiation à la déclaration de guerre au Brésil. (G.45)Une vision claire des situations politiques ou militaires.
On pourrait dire que San Martin était un homme lucide. Il avait rapidement une vision claire des situations politiques ou militaires. Il savait dans ses décisions respecter la ligne morale qu'il s'était tracée, et suivre la voie la plus rationnelle, sans se laisser aller à des options aventureuses.
Chaque fois qu'une alternative se présentait, il choisissait la voie qu'il jugeait la plus conforme à l'éthique qu'il s'était forgée. Il n'envisageait jamais son intérêt personnel, l'argent, les honneurs mais sans doute préférait-il l'estime de ses concitoyens et une rigidité morale qui forçait le respect. Bien qu'on l'ait suspecté des pires choses depuis son départ pour l'exil, en 1824, comme le désir de prendre le pouvoir par les armes, il ne se départit pas de son calme et de sa dignité. Cela en imposait à ses adversaires, cela forçait leur respect.
Ainsi en avril 1829, pendant son séjour en Uruguay, San Martin reçut à Montévidéo une délégation du Général Paz composée de trois personnes dont deux officiers. Après un exposé de la difficile situation militaire de la capitale devant les provinces révoltées, les pertes énormes, les délégués proposent à San Martin le gouvernement de la région de Buenos Aires. La réponse de San Martin qui a vite jugé les hommes et la conjoncture militaire est la suivante : " (...) Je dois vous dire que les moyens que vous me proposez ne me paraîssent pas avoir assez d'efficacité pour en finir avec les maux qui afligent notre pauvre patrie (...) Permettez-moi, Général, de faire une seule réflexion, à savoir : Quoi que les hommes en général, jugent du passé selon la vraie justice et du présent selon leurs intérêts, dans la situation où vous vous trouvez, une seule victime que vous puissiez épargner à votre pays vous sera un réconfort permanent." Voyez quel sera le résultat du combat où vous vous engagez ! ce réconfort ne dépend pas des autres, mais de vous-même." (G.65)
C'était bien dans sa ligne de chercher à éviter les guerres civiles en calmant les protagonistes.
D'ailleurs, dans la même optique, il écrit à son ami de toujours, O'Higgins pourquoi il refuse ce gouvernement : "L'objectif de Lavalle (adjoint du Général Paz) est que je me charge du commandement de l'armée de la province de Buenos Aires et que je traite avec les autres provinces, afin d'offrir de ma part et de celle des autres gouverneurs, une garantie aux auteurs du mouvement du 1er décembre. (les adversaires du Général Paz).
Il faut que vous sachiez que, dans l'état d'exaltation qu'ont créé les passions, il sera absolument impossible de réunir les partis en question. Il n'y aura donc d'autre solution que d'exterminer l'une d'entre elles ! 18 avril 1829 (G.65)
Une vision claire des évènements ... il l'eut encore lorsque en 1830 le bourgmestre de Bruxelles lui proposa de prendre en main le commandement en chef de l'armée belge, en lutte pour l'indépendance contre les Pays-Bas. Il refusa tout net. Il considérait qu'il n'avait pas du tout à s'immiscer dans cette lutte civile qui déchirait ces pays au Nord de la France; et de plus, étant résidant étranger, qu'il avait le devoir de réserve, puisqu'il était accueilli dans ce pays comme exilé volontaire. Dans une lettre du 30 juillet 1831, à Rivadavia, modeste, il ne parle pas de l'offre flatteuse qu'on lui a faite; il s'étend plutôt sur la protection qu'il veut assumer à l'égard de sa fille :
"la révolution qui s'installe dans les Pays-Bas (...) m'a obligé à quitter ma résidence de Bruxelles et à conduire ma fille à Paris, avec comme objectif de lui éviter les périls et les frayeurs qui sont le lot d'une révolution, en principe accompagnés d'incendies et de pillages. J'ai craint ces conséquences et, dans le même temps, j'ai voulu donner une dernière touche à mon éducation."(G.74)
En 1845, un conflit éclata entre l'Argentine et les pays européens (l'Angleterre et la France). Ces deux nations voulaient se mêler indûment des affaires purement sud-américaines où elles n'avaient rien à faire. Elles bloquèrent les ports de La Plata et de Buenos Aires. Dans ce conflit, les forces du Général Rosas eurent à soutenir un combat très dur au "Paso de Obligado". Bien entendu, San Martin était outré de l'attitude hostile des deux nations européennes :
"Il est inconcevable que les deux plus grandes nations de l'univers se soient unies pour commettre la plus grande et la plus injuste agression que se puisse opérer contre un état indépendant." lettre à Guido (G.149).
Dans ces circonstances, et c'est là que je veux en venir, s'il n'intervient pas sur place, en se mettant physiquement à la disposition des forces gouvernementales du Général Rosas, il pense êtrre utile à son pays en faisant paraître dans un journal angtlais un long article sur le conflit qui se déroulait dabns le delta du Rio de la Plata. A mon avis, c'était preesque ce qu'on appellerait aujourd'hui de "l'intox" et c'était de bonne guerre et cela semble-t-il se montrera efficace. Il démontre que le conflit est mal parti pour les Anglais et les Français. Voici en substance, le texte paru dans le "Morning Chronicle" du 12 février 1846 et un peu plus tard par le journal "La Presse" de Paris. (G. 149) :
"(...) Bien connue est la fermeté de caractère du chef qui préside la République Argentine. Personne ne doute de l'ascendant qu'il possède sur la vaste campagne de Buenos Aires et le reste des autres provinces intérieures. Personne ne doute que, dans la capitale, se tiennent un grand nombre de ses ennemis personnels. Il est convenu aussi que par - orgueil national, ou bien par la prévention héritée des Espagnols contre les étrangers, la totalité des habitants s'unira et tiendra une part active dans la résistance.
Si les deux puissances étrangères (...) déclarent la guerre, je ne doute pas (...) que, malgré l'embargo, la prise d'une ville décidée à se défendre est une des opérations les plus difficiles de la guerre - sans aucun doute là-dessus, nous pourrions tenir la capitale très longtemps.
Le principal aliment, ou pour mieux dire, le seul aliment du peuple, c'est la viande, et vous savez avec quelle facilité nous pouvons évacuer tous les troupeaux en peu de jours à plusieurs lieues de distance, de même pour les chevaux et tous les moyens de transport; en un mot, sur un ordre, créer un désert immense impossible à traverser pour une force européenne. (...)". En conclusion, avec sept à huit mille hommes de cavalerie, force qu'avec grande facilité peut rassembler le Général Rosas, c'est suffisant pour contenir un blocus terrestre à Buenos Aires. Sinon, même si vous réunissez une armée européenne de deux mille hommes (...) vous vous exposez à une ruine complète par faute de secours. Telle est mon opinion et l'expérience l'a prouvé à moins, comme je l'espère, que le nouveau Premier Ministre Anglais ne change la politique suivie par son prédécesseur." (G.151-152)Les honneurs acceptés ou refusés
La vie de San Martin fut exemplaire, motivée par le bien du pays et des concitoyens, l'honnêteté civique, le don de soi. Elle ne pouvait se dérouler sans que les peules libérés ne tentent, par simple souci de reconnaissance, ou pour se faire pardonner la désaffection, voirer l'hostilitéé qui lui fut manifestée lorsqu'il dut partir en exil, de lui témoigner la dette qu'ils avaient envers lui.Dès lors que l'Espagnol est défait sur la terre argentine, le gouvernement d'alors le fait Chef de l'Armée des Andes. Après la libération du Chili (1818), il refuse à Santiago le titre de Gouverneur Suprême, car il considère qu'il ne faut pas mélanger le militaire et la politique.
Continuant sa course folle, il va libérer une partie du Pérou. Il est nommé Protecteur du Pérou. Il accepte ce titre, mais à son retour de Guayalquil (1822), il se démet de cette fonction, devant l'agitation politique qui règne à Lima. Il reçoit alors une délégation qui lui remet le brevet de "Fondateur de la Liberté du Pérou"; mais on le nommait en même temps Généralissime des Armées. Honneurs mérités, mais inacceptables pour le Général qui avait compris que Simon Bolivar n'attendait que son départ pour terminer la libération de ce pays; alors, Fondateur, oui ! mais Généralissime, non ! ll rentra au Chili, (W.16) après avoir reçu en reconnaissance, le drapeau de Pizarre qui séjournait depuis des lustres dans la cathédrale de Lima.
Au Chili, honoré, il fut inscrit sur la liste des armées au premier rang.
En République Argentine, il reçut le tirtre de "Brigadier Général" (W.16). Il fut même décidé que chaque année, son nom, ses titres seraient énumérés à l'ouverture des sessions du Congrès :
"Le Général Don José de San Martin, d'un renom immortel dans l'histoire Américaine, mérite hautement l'estime la plus distinguée du gouvernement de la République et de l'Amérique" (W.18)
Pour continuer la liste de ses rapports avec les divers pays libérés, nous avons cette lettre émanant du gouvernement du Pérou :
"Le Général José de San Martin est considéré - pour toute sa vie - comme en service actif dans l'armée et recevra sa solde intégrale correspondant à son grade, même s'il réside hors du territoire de la République" 1841.(G.123)
En 1848, le Général Argentin Rosas, Gouverneur de Buenos-Aires envoie à San Martin, le message de l'Assemblée : "L'illustre général Don José de San Martin, héros glorieux de notre indépendance, a mérité un nouvel hommage du gouvernement". (27 décembre 1848 (G.148) Message auquel San Martin répondit :
"J'ai apprécié votre aimable message de reconnaissance (...) sur ce que le sort m'a permis de rendre à notre patrie. Comme vous le pensez, cette manifestation du premier chef de la république m'a paru hautement flatteuse". 1845 (G.149).
Et les hommages ne s'arrêtent plus. Rosas envoie un nouveau message en novembre 1846, un autre en décembre 1847 :
"Le Général Don José de San Martin s'est consacré à la cause de l'indépendance de sa patrie et de l'Amérique : faits immortels ! Le gouvernement se plait grandement dans cette démonstration honorifique du héros Argentin tant illustre. La Confédération l'a célébré avec enthousiasme. Par cela, l'Amérique félicite le vertueux défenseur de ses droits et de sa gloire." (G.161)
Dans une lettre précédente, Rosas avait nommé San Martin Ministre Plénipotentiaire de la Confédération Argentine auprès du gouvernement de la République du Pérou. Le Général avait décliné cette fonction. En réponse, Rosas disait :
"La Confédération Argentine vous compte avec orgueil parmi ses enfants les plus estimés." (G.113)
Les marques d'amitié, d'admiration et de respect ne manquèrent pas, durant son exil à Grand-Bourg.
Un poète ami de la famille, Ricardo Bustamante écrivit des poèmes qu'il dédia aux petites filles de San Martin et au Général lui-même, te ce "sonnet à San Martin" où sont chantées les vertus guerrières de l'Armée des Andes et ses succès de Maipü et de Chacabuc. (G.130)
L'Institut Historique et Géographique de l'Urugay, constitué en 1843, nomma San Martin, Membre d'Honneur de l'Institut. (G.133) Un bon nombre de tableaux et de gravures furent exécutés en hommage à San Martin et son action: citons la gravure sur l'entrevue avec Bolivar, par J. Collignon; les tableaux de Géricault : Bataille de Maipü - Bataille de Chacabuco, qui sont actuellement à l'Ecole des Beaux-Arts à Paris; le tableau "Lettres de la Patrie lointaine" de Guillermo Castro, et celui de Joseph Navez qui réunit tous les suffrages des amis du Général.
Durant son séjour en Belgique, fut émise une série de dix médailles commandées par le gouvernement au sculpteur Jean Henri Simon (1825). La première de la série représentait San Martin de profil, en uniforme de gala de Protecteur du Pérou (G.37)
Grand-Bourg, durant le séjour du "Libertador" devint pour les Sud-Américains, en particulier les Argentins, un lieu de pélérinage pratiquement obligatoire (G.129). Il faut dire qu'en cette propriété régnait une vie, une existence, une manière de vivre qui séduisait les invités ou les visiteurs. Voici ce que Varela raconte à ce sujet dans sa correspondance :
"Un dimanche, avec mon ami Don Manuel Guerrico, nous prîmes le chemin de fer qui conduit à Orléans, (notons une erreur bien pardonnable : c'est le train de Melun via Corbeil qu'ils ont pris) pour aller à la maison de campagne du Général San Martin en un lieu nommé Grand Bourg, à six lieues de Paris. Le Général a beaucoup d'affection pour sa propriété de campagne. Il y cultive plantes et arbres fruitiers (...) Le jour où nous vinmes passer une journée en sa compagnie, le jeune Balcarce, gendre du Général nous attendait à la station : très agréable journée passée dans la maison du Général de San Martin, elle fut l'ultime visite au vétéran de notre indépendance (...). Le Général vit avec sa fille unique, mère de deux précieuses petites filles. Toute la famille aime et vénère le vieux combattant de l'indépendance et cette maison est un modèle de bonheur et de morale domestique. Le Général aime passionnnément ses petites filles dont l'unique maîtresse est la mère, jeune, de parfaite éducation et capable, qui rêve de Buenos Aires et s'emploie à ce que ces petites n'oublient pas le nom de leur patrie ni la langue nationale. Elle leur enseigne les rudiments de la musique et diverses matières propres à leur sexe." (G.144-145)
De son côté, Sarmiento écrit :
"Les Américains, après être arrivés à Paris et avoir satisfait la curiosité qu'excite la grande cité, prennent le chemin de fer de Corbeil et descendent à la station de Ris, suivent les bords de la Seine jusqu'à "Puente-Aguado" non loin des ormes que selon la tradition plantèrent les soldats de Henri IV qui assiégeaient Paris, et arrivent dans les terres. Grand Bourg est le lieu de cette harmonie : jardins cultivés avec toute la grâce de l'art européen, entourant une simple habitation et, entre les rangées de dalhias et de roses variées que la vue découvre en été, présente ici et là, des plantes américaines que le voyageur salue complaisamment.
Le monument que les Américains sollicitent de rencontrer est un vieillard de haute stature, aux traits prononcés, caractéristiques, aux yeux pénétrants et vifs en dépit des années, et aux manières affables et franches." (G.165)On pourrait trouver encore dans le livre du Dr Carlos Alberto Guzman, mine très riche de documents épistolaires de premier ordre, de quoi encore confirmer ou affiner ce portrait moral et psychologique que j'espère assez complet du Héros des Andes. Mais je n'irai pas plus loin, sachant que : qui veut trop prouver dessert son propos. Alors, je vais ici me féliciter que le Dr Guzman ait mis à la disposition des chercheurs et historiens, une telle manne de lettres importantes et le remercier pour son livre.
Ce travail a été diplômé par l'Institut National Sanmartiniano de Buenos Aires. République Argentine
NOTA :
Les renvois : (G.xxx) correspondent aux numéros des pages du livre de Carlos Alberto Guzman (1824-1850. Ed. 1993
Les renvois : (W.xxx) correspondent aux pages du livre de P.A. Wimet : San Martin, Séjour et mort à Boulogne sur Mer 1848-1850. Ed. 1980 2ème partie (A. Gérard).
GENERAL-ANTOINE DUPONT CHAUMONT1756 -1838
Ambassadeur de Napoléon Ier, BRUNOY
Il est né en 1759 dans une famille bourgeoise des Charentes où l’on était procureur, avocat, juge, sénéchal ou même avocat au parlement. On connaît cette lignée depuis 1510. Antoine avait trois frères dont Pierre Dupont de l’Etang qui devint ministre de la guerre sous Louis XVIII.
C’est sous le règne de Louis XVI qu’il s’engage dans l’armée. Il a une carrière fulgurante puisqu’il est déjà lieutenant colonel en 1791 dans l’armée du Nord. A Jemappes, il est blessé et il a un cheval tué sous lui Dumouriez le recommande à la Convention : Recommandation empoisonnée puisque son auteur trahit la république après la défaite de Nerwinden Antoine devient suspect. Et la Convention le suspend de son grade ainsi que son frère. Ils se retirent à Chabannais, réformés en 1799.
18 Brumaire, le coup d’état. Neuf jours plus tard Napoléon le convoque le nomme commandant et c’est à nouveau l’activité.
Durant trois ans Dupont Chaumont est nommé ambassadeur de France à la cour de Hollande auprès de Louis Bonaparte, en fait pour le surveiller. Les rapports de Dupont Chaumont conservés au Quai d’Orsay sont très intéressants. Son rôle est très difficile. Il doit conseiller Louis qui est entre deux devoirs : rester fidèle à son frère l’Empereur ou défendre les intérêts de son peuple et de sa nouvelle patrie. De retour en France il a une activité d’inspecteur de l’Infanterie(1809) puis est envoyé en Italie. Son frère qui guerroie en Espagne capitule à Baylen et abandonne son armée aux Espagnols sans combattre. A son retour Napoléon le met en forteresse et Antoine est rayé des cadres ce qui lui évite les campagnes de Russie, d’Allemagne et de France.
Après le départ de l’empereur, Louis XVIII nomme Antoine gouverneur des écoles militaires, l’anoblit. Dupont Chaumont prend sa retraite en 1821.A Brunoy.
Dès 1799 Antoine a acquis un petit bâtiment situé dans un parc aux Bosserons. Il s’agit de l’ancienne faisanderie du Comte de Provence Il va constituer un très grand domaine autour de ce premier noyau : plus de 77 hectares d’un seul tenant dont les limites sont à peu près nos voies actuelles : Nationale 6, Rue de la Pyramide, Avenue Dupont Chaumont et route de Corbeil.
L’intérieur du château appelé « Château des Bosserons » était décoré dans le style froid de l’empire avec un mobilier d’acajou allié au marbre. Une vaste bibliothèque témoigne du sérieux des lectures du propriétaire qui ne donnait guère dans le roman ou la poésie. L’inventaire du mobilier nous décèle une accumulation de meubles , fournitures , linge de maison, bibelots assez rare.
Dupont Chaumont siégea régulièrement au conseil municipal et dans ce cadre jura fidélité au roi, à la charte constitutionnelle et aux lois. Il fut chargé de purger la forêt de Sénart de ses loups et renards qui devenaient trop nombreux.
L’âge venant, il vendit sa propriété des Bosserons et acheta une maison à Chaillot où il se retira. Mais le 16 février 1838 il décède dans sa nouvelle demeure après une carrière bien remplie. Il a servi sous Louis XVI, la Révolution, l’Empire et les rois de la Restauration . Il ne s‘est semble t il pas soucié de qui gouvernait la France; il s’est plutôt préoccupé de bien servir son pays.